Faire revenir l’avenir

05.07.2018
Circuit à travers le campus Wilkhahn avec visite des pavillons Frei Otto, photos : Wilfried Dechau

« L’architecture est une supposition de l’avenir. » – Cette citation de Frei Otto ne pouvait pas manquer au colloque d’architecture « Construire l’avenir – l’héritage spirituel de Frei Otto » qui a eu lieu le 25 juin 2018 chez Wilkhahn à Bad Münder à l’occasion du 30e anniversaire des quatre pavillons de production dessinés par le lauréat du prix Pritzker sur le site de Wilkhahn. Leur visite a été le temps fort du circuit guidé à travers le campus Wilkhahn au début du colloque : depuis les bâtiments administratifs dessinés par Herbert Hirche, élève du Bauhaus (1960) et l’extension datant des années soixante, la visite s’est directement poursuivie avec les trois sites de production en forme de tente, abritant la coupe, la couture et le rembourrage, et le dernier pavillon, désormais utilisé comme bureau, recouverts par la structure suspendue en lattes de bois des toits aux courbes expressives.

Un détour a aussi conduit jusqu’aux halls avec toit photovoltaïque dessinés par Thomas Herzog (1992) et à la centrale énergétique (2008), avant l’ouverture du colloque dans le bâtiment d’origine du site par Jochen Hahne, gérant de Wilkhahn, et Burkhard Remmers, porte-parole de l’entreprise.

Colloque dans l’ancien bâtiment chez Wilkhahn, animé par Dr Ursula Baus, photos : Wilfried Dechau

Stephan Weber, vice-président de l’Ordre des architectes du Bade-Wurtemberg, a profité de son discours pour lancer un appel aux architectes intéressés pour le maintien de la Multihalle de Mannheim dessinée par Frei Otto (1972-75), et a remercié Wilkhahn et les intervenants non seulement pour leur engagement en faveur de la culture architecturale, mais aussi pour le don de leurs honoraires et de toutes les contributions des participants à l’association Verein Multihalle e.V. pour préserver la Multihalle.

Dr Georg Vrachliotis, photo: Wilfried Dechau

Depuis les dimensions dans l’œuvre de Frei Otto …

Dans son introduction « De l’archive à la simulation », Dr Georg Vrachliotis, professeur et doyen du KIT, mais aussi commissaire de la grande exposition Frei Otto « Denken in Modellen » (penser en modèles) au ZKM de Karlsruhe (2016) (Centre d’art et de technologie des médias), trace une image représentative des méthodes de travail expérimentales de Frei Otto. Depuis son premier bureau, le « site de conception de la construction légère » jusqu’à la série des Cahiers de l’IL publiée par Otto, celles-ci étaient consacrées non seulement à la production de connaissances (nouvelles), mais aussi à leur transmission. Vrachliotis a alors présenté toute la variété du « Denken in Modellen » d’Otto et proposé en même temps un aperçu des thèmes à approfondir pendant le colloque : de la recherche fondamentale sur les « structures porteuses » minimales, telles celles des bulles de savon, aux toits en coque et modèles suspendus au-dessus des villes, en passant par la conception avec l’air, les « pneus », le travail avec des « modèles en bas » ou des structures en filet. Parce qu’on a accordé la même attention au travail sur le modèle qu’au bâtiment lui-même, les bâtiments sont finalement eux-mêmes devenus des modèles, comme le « miracle » de la structure en bois extrafine de 60 mètres suspendue librement sur la Multihalle de Mannheim.

Eike Roswag, photo: Wilfried Dechau

… en passant par les approches radicales du Natural Building Lab …

Eike Roswag a repris et perpétué les approches expérimentales de Frei Otto et sa profession de foi pour une construction écologique. Associé fondateur du bureau Ziegert Roswag Seiler ZRS, Roswag enseigne depuis 2017 au Natural Building Lab de l’Université de Berlin, qu’il a créé. En tant qu’architecte, il s’est fait un nom avec des projets de construction en argile, bambou et bois – souvent en autoconstruction coopérative -, il fonde explicitement son enseignement sur une approche de recherche. Il s’agit ici de processus d’apprentissage autodéterminés et de concevoir et construire en préservant les ressources. Les étudiants conçoivent leur propre projet de construction concret, le dessinent et le construisent – dans l’exemple cité, en bois de haute futaie et restes d’affiches.

Ruth Berktold, photo: Wilfried Dechau

… les possibilités de la modélisation CAO paramétrique …

La transformation de constructions organiques libres en dessins et modèles numériques est le sujet de Ruth Berktold, architecte à Munich (yes architecture, Université de Munich). Alors que Georg Vrachliotis a montré la complexité de la transposition graphique du modèle en « dessin constructible » chez Frei Otto, sous le titre « Analog wird digital » (de l’analogique au numérique), Berktold a présenté une série de bâtiments contemporains à géométrie complexe sous l’aspect de la modélisation CAO paramétrique. Avec l’aide de celle-ci, les géométries de bâtiments comme le Rolex Learning Center (SANAA Architekten) ou le stade de football de Nice (Willmotte & Associés) ont par exemple pu être simplifiées et la méthode de construction a été accélérée.

Laura Fogarasi-Ludloff, photo: Wilfried Dechau

… l’habillage textile des bâtiments …

L’architecte Laura Fogarasi-Ludloff (Ludloff Architekten, Berlin) est inspirée par Frei Otto pour son travail avec les matières textiles. Le bureau utilise des textiles semi-transparents pour former une couche supplémentaire devant la façade ou devant des éléments porteurs de la construction afin d’ajouter une dimension supplémentaire à l’architecture qui sert de manière ludique d’intermédiaire entre proximité et distance. L’architecte explique que, de plus, le textile n’est pas encore trop utilisé en architecture. Ces tissus remplissent en même temps des fonctions (de physique du bâtiment) comme la protection contre le soleil, la vue ou le bruit. Les approches écologiques d’Otto sont reprises par Ludloff dans les constructions en bois ou la préservation de la structure en bois existante, comme l’illustrent « Botschaft für Kinder » (ambassade des enfants) ou la « Turnhalle am Tempelhofer Feld » (gymnase du parc Tempelhof).

Tobias Wallisser, photo: Wilfried Dechau

… et les micro- et macroperspectives du moment qui se réfèrent à Frei Otto …

Le bureau LAVA Laboratory for Visionary Architecture est dans la lignée directe du champ de recherche primaire de Frei Otto, les géométries naturelles. Tobias Wallisser, associé fondateur (Staatliche Akademie der Bildenden Künste, Stuttgart) a présenté quelques projets transposant la construction expérimentale de Frei Otto au XXIe siècle. Ainsi, Wallisser a montré une installation textile artistique au « Customs House » de Sydney inspirée par les expériences avec les bulles de savon d’Otto, un toit pour la place d’un centre de conférences de « Masdar City » qui se réfère aux parasols d’Otto dans la cour intérieure de la mosquée de Médine, ainsi que le toit à processus d’une « ville du désert » utopique avec l’aide de « toits de nuages » pneumatiques qui doivent retenir le vent chaud pour imaginer d’une manière un tant soit peu réaliste une urbanisation de la région neutre en CO2.

Jan Knippers, photo: Wilfried Dechau

… jusqu’à l’appréciation critique de la méthode et la fusion de la conception et de la construction dans la robotique.

Dr Jan Knippers, directeur de l’ITKE à Stuttgart (Institut des constructions porteuses et des projets de construction), a valorisé la méthode de travail d’Otto comme un « contre-modèle radical au concept de l’architecte génial », qui lui aurait permis de préparer le terrain au travail interdisciplinaire répandu aujourd’hui. Contrairement au projet architectural classique qui crée une forme, selon lui, chez Otto la forme résulterait toujours de règles et de processus, ces processus de création auraient été axés sur les connaissances sans préjuger des résultats. Pour Otto, il ne s’agissait pas tant de l’objet en lui-même que de la méthode. Cependant, le paradigme de la construction légère en tant que forme de construction écologique, sociale, durable, et donc « bonne » défendu par Otto ne tiendrait plus aujourd’hui, à l’époque de la globalisation et de ses conséquences pour les marchés du travail et les moyens de transport. En outre, Knippers a présenté le projet de recherche de l’ITKE, un pavillon en construction légère dont la structure porteuse est en fibres de carbone tendues par des robots. Cette façon de construire se base sur la structure de la bulle d’air sous-marine de l’araignée aquatique sur laquelle Frei Otto avait également travaillé.

Les intervenants en discussion avec Dr Ursula Baus, photos : Wilfried Dechau

Sujet du débat : l’expérimentation comme modèle du futur

La variété des éléments de rattachement à l’œuvre de Frei Otto dans les interventions des conférenciers n’avait d’égale que l’animation qui régnait lors de la table ronde qui a suivi. Au cours du débat animé par Dr Ursula Baus (frei04 publizistik), il a été question de la dimension politique du travail des architectes et ingénieurs. Selon Vrachliotis, qui renvoie à la citation de l’introduction, le rapport au futur de Frei Otto fait que les architectes s’intéressent de nouveau davantage à son œuvre aujourd’hui, après une longue période pendant laquelle il était presque oublié et semblait dépassé. Knippers ajoute : « L’expérimental est si important aujourd’hui parce que nous ne savons justement pas de quoi est fait l’avenir. »

À la question critique si les expérimentations comme la ville du désert conçue par LAVA sont effectivement durables, Vrachliotis répond que nous « pouvons seulement faire revenir l’avenir si nous nous permettons de telles formes de réflexion hypothétique. « Cette réflexion hypothétique devrait être promue par les universités parce que nous ne devrions “pas attendre que le futur arrive de la Silicon Valley.” »

Berktold a plaidé pour une démarche pratique selon le slogan « Predict the future by designing it. » et fait la promotion de continuer avec des « constructions rapides et légères » pour répondre aux défis d’une société vieillissante. Fogarasi-Ludloff a vu la capacité à influencer des architectes surtout dans la « conception commune de l’avenir, qui comprend aussi les formes de réutilisation », en plus des questions qualitatives du « comment ».

Eike Roswag s’est aussi exprimé en ce sens : « Je suis optimiste, nous pouvons faire de grandes choses si nous nous réunissons et collaborons. Nous pourrons alors déclencher un processus qui change quelque chose dans les communes. » Wallisser aussi voit l’architecte comme un « visionnaire » qui fait avancer les choses. Dans la conception, il faudrait cependant moins se préoccuper de « formes que de principes ». À la question du public si l’architecture ne devait justement pas être protégée de la surcharge de règles, Roswag a répondu avec l’idée des espaces libres communs, les dénommés « pockets ». Ils pourraient « ouvrir des marges de manœuvre » à l’architecture qui permettraient à nouveau de travailler véritablement et délibérément pour le futur.

En pleine discussion : Dr Jochen Hahne, gérant de Wilkhahn, et Eike Roswag, Dr Georg Vrachliotis et Dr Jan Knippers, Dr Jochen Hahne lors de la remise des exemplaires du PrintStool One de Wilkhahn avec imprimés 3D différents aux conférenciers, photos : Wilfried Dechau

Avant la pause déjeuner et le programme culturel à Hanovre, les conférenciers ont convenu que le débat lancé ici appelle une suite. Nous l’attendons avec impatience.

Visite guidée de l’extension du musée Sprengel de Meili et Peter Architekten (Zurich) par l’architecte Markus Peter, photos : Christian Holl (1+2), Cordula Vielhauer (3-6)
Visite guidée du Coworking et Makers Space Havfen, récemment récompensé par le Prix d’État de Basse-Saxe, par l’architecte Anca Timofticiuc de Mensing Timofticiuc Architekten, photos : Cordula Vielhauer (1), Christian Holl (2+3)

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